Programme de recherche JADE

Le 27/09/2022 par Charlène Girard

Une découverte exceptionnelle et la naissance du programme Jade…

Le programme « JADE » a été conçu en 1995 à l’initiative de Pierre Pétrequin et de sa femme Anne-Marie Pétrequin qui travaillent depuis de nombreuses années sur le Néolithique et les haches polies, outils emblématiques de cette période (6000-2500 av. J.-C.). L’étude des haches polies n’ayant pas progressé au cours du XXème siècle, Pierre Pétrequin souhaitait comprendre pourquoi et dans quel contexte ces objets avaient circulé sur de longues distances, parfois sur plus de 2 000 km. C’est par exemple le cas pour les haches et anneaux en jade (roche précieuse de couleur verte) découverts en Bretagne dans la région de Carnac et dont les gites naturels se trouvent dans les Alpes italiennes.
C'est en se fondant sur l'hypothèse de Alexis Damour, qui dès 1881 positionnait (sans indiquer précisément le lieu) un gisement naturel de jade dans les Alpes, que Pierre Pétrequin découvre, en 2003 après 8 ans de recherche, les gisements de jade exploités au Néolithique en Italie du Nord. Un des gites aujourd'hui connu, parmi une douzaine signalés dans le monde (Italie, Grèce, Birmanie, Japon, Nouvelle-Guinée, Guatemala Cuba, Sibérie …).

La spectroradiométrie : des étoiles à l’archéologie.

Le programme JADE est également né de la rencontre de Pierre Pétrequin et Michel Errera. Ce dernier a développé une technique permettant de connaître la composition des roches. Le spectroradiomètre utilisé par Michel Errera et aujourd’hui installé à la Cité de la Préhistoire, est la propriété de la Maison des sciences de l'homme et de l'envionnement Claude-Nicolas Ledoux, hébergée à l’université de Bourgogne-Franche-Comté à Besançon.
La spectroradiométrie est une méthode non-destructrice issue de la recherche spatiale utilisant la diffusion de la lumière. En fonction de la composition de la roche, une partie de la lumière envoyée est réfléchie, l’autre absorbée, ce qui produit un spectre caractéristique et analysable par Michel Errera qui peut ainsi déterminer la nature minéralogique (différents minéraux qui composent la roche) mais aussi parfois l’origine de la roche par comparaison avec les milliers d’échantillons naturels de jades récoltés par Pierre et Anne-Marie Pétrequin au cours de leurs vingt années de recherches dans les Alpes. En effet, chaque affleurement de roche possède une composition minéralogique qui lui est propre.
Les travaux de Pierre Pétrequin et les analyses de Michel Errera ont permis aujourd’hui de réaliser un référentiel de 6500 échantillons, analysés au spectroradiomètre mais aussi pris en photo et étudiés avec un grossissement x80 par Pierre Pétrequin. La densité de la roche ou encore son type de cristallisation sont ainsi spécifiés pour chaque échantillon.

Sans ethnologie, pas de découvertes archéologiques.

Pierre Pétrequin, archéologue mais aussi ethnologue, affirme que les années vécues en Papouasie-Nouvelle Guinée lui ont permis de trouver en 2003 les gisements de jade dans les Alpes. En effet, en s’intégrant progressivement dans les communautés papoues, Anne-Marie et Pierre Pétrequin ont réalisé que la hache polie n’était pas simplement un outil destiné à couper les arbres, mais également un moyen de communication entre les hommes via les paiements compensatoires ou encore comme offrandes des hommes aux créatures surnaturelles et aux divinités.
Haches et anneaux en pierre polie portent une charge religieuse importante, les haches représentant le principe mâle et les anneaux le principe femelle. Ces outils en jade poli sont apparus en Europe vers 5 700 av. J.-C. : on en retrouve isolés ou dans de petits dépôts, hors contexte d’habitat et très rarement dans des tombeaux monumentaux. Les derniers anneaux disparaissent vers 4 700 av J.-C.
Compte tenu des caractéristiques du jade, une roche qui est difficile à tailler et à polir, de la difficulté à extraire la roche dans une région des Alpes sous la neige 6 mois par an et de la circulation de ces haches polies sur 2 000 km ou plus à vol d’oiseau, les chercheurs avancent l'hypothèse que ces objets en jade avaient une importance religieuse considérable. D’ailleurs, une grande partie de ces longues haches polies n’ont pas été découvertes dans des sépultures, mais dans des lieux naturels particuliers (marais, bords de rivière, pied de grands blocs rocheux, entrée de grottes, fissures …) points de contact entre différents Mondes si l’on en croit certaines conceptions spirituelles.

POUR ALLER PLUS LOIN

PETREQUIN P., CASSEN S., CHEVILLOT C., CORNEN G., DENAIRE A., DUTEIL Y., PAILLER Y., PRODEO F., VILLES A., 2015.
Bracelets en schiste et anneaux-disques en jadéitite, en serpentinite ou en amphibolite.
In : Signes de richesse. Musée nat. de Préhistoire. Paris: Ed. RMN, p. 35-42.

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PETREQUIN P., ERRERA M., FURESTIER R. et PRODEO F., 2015.
Quatre grandes haches en jades alpins découvertes en Ardèche, transition Ve-IVe millénaire av. J.-C.
In : Ardèche Archéologie, 32 : 23-29.

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Pierre Pétrequin, University of Franche-Comte, MSHE C.N. Ledoux, Emeritus

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